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Comprendre et apprendre l’intelligence collective

La recherche de l’excellence et l’évolution des entreprises et des individus suscitent l’intérêt depuis l’Antiquité. Aujourd’hui, les défis posés par les crises, la compétitivité mondiale et l’importance d’identifier les facteurs de différenciation ont renforcé la nécessité de trouver des solutions à des problèmes de plus en plus complexes en réduisant les temps et les coûts de production. Nous avons besoin de plus que l’intelligence d’un seul individu…

Grâce à la collaboration entre les personnes et à l’aide des outils technologiques actuels, un concept actualisé de travail coopératif a vu le jour. Ceci vise une productivité partagée qui dépasse de loin le cadre de l’intelligence individuelle. Ce concept est appelé « intelligence collective« . C’est le produit de ce que plusieurs personnes peuvent construire ensemble sans avoir besoin de partager un lieu physique, un moment ou une langue. Cette collaboration des intelligences pour développer les connaissances multiplie la facilitation, la créativité et l’évolution de la société. Ce qui renforce l’intelligence individuelle.

Commençons par les classiques

Aristote, dans sa Politique , est l’un des premiers à avoir avancé l’idée que la participation d’un grand nombre de personnes à la prise de décision donne de meilleurs résultats. Bien plus tard, au XVIIIe siècle, le brillant mathématicien, politologue et philosophe français Nicolas de Condorcet a été le premier auteur moderne à s’intéresser à ces questions. Dans son célèbre théorème, il affirme que, dans certaines conditions, un groupe plus important de personnes a plus de chances de parvenir à la bonne solution qu’un groupe plus restreint. Ce théorème est aujourd’hui considéré comme l’un des fondements de la démocratie.

Karl Marx a utilisé le terme Intellect général dans le  « Fragment sur les machines»  des Grundrisse. Il voulait parler de connaissances sociales générales ou d' »intelligence sociale » à un moment historique donné. Il la définit comme « l’intellect général » ou « l’intellectualité de masse ». Une connaissance sociale accumulée peut être interprétée comme une manifestation d’intelligence collective en raison de la manière dont ces actifs sont construits, voire intégrés dans des objets.

Comment peut-on définir l’intelligence collective ?

Pierre Levy dit dans son livre  » Collective Intelligence  » que : « C’est une intelligence distribuée partout, constamment valorisée, coordonnée en temps réel, conduisant à une mobilisation efficace des compétences. (…). Le fondement et le but de l’intelligence collective sont la reconnaissance, la facilitation et l’enrichissement mutuel des personnes.

L’intelligence collective est donc l’intelligence qui émerge de la collaboration de nombreux individus. L’un des principaux défenseurs de cette idée est Kropotkin, qui a commencé à faire référence à l’intelligence collective en donnant l’exemple de petits animaux comme les abeilles ou les fourmis.

On peut donc généraliser la définition comme suit : l’intelligence collective est la somme de la capacité de chaque individu à apporter ce qu’il considère comme pertinent pour la communauté et de la capacité de la communauté à découvrir la meilleure recommandation. Comme le dit Howard Bloom dans son ouvrage  » Global_Brain: The Evolution of Mass Mind from the Big Bang to the 21st Century », dans lequel il passe en revue ce phénomène depuis plus de 3,5 millions d’années jusqu’à l’année de publication (2000).

L’intelligence collective dans le contexte actuel

Le terme « intelligence » est certes large et décrit des propriétés de la capacité mentale des personnes telles que la pensée abstraite, l’apprentissage, la communication, le raisonnement, la planification, la gestion des difficultés et la résolution de problèmes. Il est courant de voir des compétences et des attitudes intelligentes chez les personnes qui nous entourent. Ce qui contribue sans aucun doute au développement de la société dans laquelle nous vivons.

Le cerveau humain, avec environ 100 milliards de neurones , a la capacité d’apprendre, de mémoriser, de gérer les sentiments et les différentes fonctions du corps humain. Un « système » impressionnant qui permet aux gens de créer et de transformer leur propre vie et celle de leur entourage grâce à une interaction qui a évolué tout au long de l’histoire humaine.

La société a connu de profonds changements basés précisément sur de nouvelles formes d’interaction, rendues possibles par les nouvelles technologies et les outils disponibles, qui ont rendu la communication plus rapide, plus facile et plus fiable.

Les changements sociaux se produisent depuis des années. Cependant, ils se sont accélérés de manière spectaculaire avec l’avènement des technologies de l’information, laissant derrière eux la société industrielle pour laisser place à la « société de l’information ». Au cours des vingt dernières années, cette transformation s’est encore accentuée pour aboutir à ce que nous appelons aujourd’hui la « société de la connaissance », qui permet de surmonter les barrières et les obstacles entre les personnes. L’un des aspects les plus frappants est l’augmentation de la quantité et de la qualité des informations et des connaissances disponibles dans le monde développé.

La connexion entre les personnes contribue et apporte de l’innovation dans la manière dont elles se relient les unes aux autres. Nous pouvons citer divers exemples basés sur des technologies et des objectifs différents : les réseaux sociaux comme Facebook, les professionnels comme Linkedin, les bases de données de connaissances, comme Wikipedia, les logiciels à code partagé comme Linux, les applications de gestion des connaissances au sein des organisations.

Ces nouveaux outils ont changé certains emplois et, à l’avenir, ils changeront également la façon dont on mesure la contribution des personnes à leur travail. Un « bâtisseur de talents » qui apporte son intelligence ou son matériel sera reconnu à l’avenir comme un acteur essentiel. Ce qui permet de développer plus efficacement les activités professionnelles.

Les nouvelles formes de relations sociales mentionnées ci-dessus ne signifient pas l’annulation d’autres formes plus traditionnelles. Nous sommes face à une nouvelle « chaîne » et, en tant que telle, elle aura sa place dans le monde. Il y aura de bonnes et de mauvaises expériences, en fonction de la manière dont elle est utilisée.

Par conséquent, une connexion ou un réseau de personnes « intelligentes » peut multiplier leur productivité. Ce qui permet un accès fabuleux à des informations et à des connaissances qui, elles aussi, ne cessent de croître.

Nous sommes confrontés à un défi aux dimensions colossales. Un défi productif du 21ème siècle pour les organisations privées et publiques qui souhaitent atteindre des objectifs commerciaux et d’innovation exceptionnels.

Pourquoi la pratiquer est essentiel pour une évolution ?

Ce type d’intelligence est l’occasion de mettre à profit les qualités individuelles pour atteindre les objectifs du groupe.

Intelligence : Bien qu’il n’existe pas de définition généralisée du terme « intelligence », on peut dire qu’il s’agit, d’une manière générale, de la capacité d’un individu à percevoir certaines informations et à les transformer en connaissances. Afin que, finalement, ces connaissances puissent être appliquées de manière adaptative à des situations spécifiques. Ainsi, l’intelligence est la capacité à résoudre des problèmes.

Au fil du temps, diverses études ont subdivisé les types d’intelligence en intelligence émotionnelle, logique-mathématique, corporelle, musicale, visuelle, verbale, personnelle et intrapersonnelle. Il existe également un type d’intelligence qui est collaborative, connue sous le nom d’intelligence collective.

Collectif : Comme son nom l’indique, ce type d’intelligence naît de la communication et de la collaboration d’un groupe d’individus ou d’êtres vivants appartenant à la même espèce (pour certains, à plusieurs espèces). Il s’agit d’un processus de groupe qui consiste à prendre des décisions consensuelles, en mettant l’individualité au second plan, afin d’atteindre un objectif collectif. Ce type de comportement est étudié depuis des décennies dans des domaines tels que la sociologie, la psychologie des masses et la biologie, et peut être observé dans une grande variété de formes telles que les bactéries, les animaux, les humains et même dans la façon dont les ordinateurs traitent.

Soutien mutuel : Une des premières références à ce terme est Mutual Aid   : A Factor in Evolution, un livre publié en 1902 par Kropotkin (1842-1921). Comme mentionnée auparavant, l’auteur souligne l’importance de la coopération, de la réciprocité et du travail en équipe pour le développement évolutif d’une espèce. Il cite en exemple le comportement de groupe d’espèces non humaines, comme les abeilles et les fourmis. Ces dernières ne possèdent pas, individuellement, les connaissances nécessaires pour construire une fourmilière, mais ensemble, elles font appel à l’intelligence collective pour mener à bien leur projet.

Parmi les caractéristiques décrites de ce type d’intelligence, on peut citer l’auto-organisation, le leadership combiné, le style participatif, le travail sans supervision, l’adaptation constante aux changements de l’environnement, le travail en équipe, le comportement social interactif et le comportement intelligent global, qui font référence à l’absence d’une structure de contrôle centralisée qui dicte le comportement des membres du groupe.

Membrane collective : Pour l’auteur américain Howard Bloom , ce type d’intelligence est présent depuis l’origine de la vie. Bloom souligne que la planète entière fonctionne comme un cerveau global dans lequel les comportements intelligents et la transmission des connaissances se comportent comme une gigantesque membrane collective, dont les neurones, en interaction constante, sont tous des organismes vivants. En d’autres termes, il s’agit d’une intelligence inter-espèces. L’auteur conçoit le développement de la vie sur Terre comme une séquence de réalisations dans le traitement et l’échange d’informations collectives, depuis les premiers micro-organismes qui ont uni leurs forces et leurs capacités pour se nourrir, survivre et évoluer jusqu’à nos jours.

Apprentissage collaboratif : L’apprentissage collaboratif consiste à développer une activité en petites équipes. Dans chaque groupe, les étudiants travaillent sur différentes tâches, échangent des informations, font des analyses et apprennent ensemble par la collaboration.

L’apprentissage collaboratif n’est pas seulement un ensemble d’étapes pour travailler de manière ordonnée dans un groupe. C’est bien plus que cela. C’est une philosophie de vie, dans laquelle les participants sont conscients que le groupe entier est plus que la somme de ses parties.

L’apprentissage collaboratif ou « travail en équipe » est une théorie éducative à pratiquer. Il est important de garder ces philosophies éducatives à l’esprit et de les appliquer dans tous les espaces d’apprentissage, de travailler ensemble et d’établir des objectifs communs pour générer la construction du savoir.

Comment l’intelligence collective peut-elle être appliquée ?

 Les nouvelles technologies ont sans aucun doute apporté une grande révolution dans ce concept. Il est impossible pour chacun d’entre nous de connaître tout le monde. Cependant, nous pouvons être des experts dans un petit domaine, et grâce aux nouvelles technologies et à la puissance de l’internet, nous pouvons rassembler toutes ces micro-connaissances pour créer une intelligence collective.

L’intelligence collective présente de grands avantages, comme celui de permettre aux individus de surmonter leurs biais cognitifs individuels. En effet, le fait de collaborer avec d’autres personnes et de connaître leur réalité et leur façon de penser ou d’agir leur permet d’ouvrir leur esprit et d’élargir leurs vues. Ce qui améliore ainsi leur esprit critique.

Ce type d’intelligence peut également être appliqué à l’école. Par le biais d’activités de groupe ou dans lesquelles les nouvelles technologies font partie intégrante des activités, vous pouvez amener vos élèves à commencer à construire leur propre intelligence collective.

Clés pour mieux comprendre et mettre en œuvre l’intelligence collective

La collaboration en groupe 

Des fourmis à la recherche de nourriture, une décision prise lors d’une réunion de voisins, un article de Wikipédia, tous sont des exemples d’intelligence collective. C’est un moyen de maximiser les connaissances issues de la collaboration de plusieurs individus, généralement de la même espèce, sur une question particulière. Les humains l’utilisent depuis très longtemps.

Avec l’internet, l’intelligence collective représente un changement de paradigme. Aujourd’hui, elle englobe des domaines allant de la science citoyenne au crowdfunding et au crowdsourcing, en passant par l’intelligence artificielle … Et elle figure certainement en tête de liste des expressions les plus utilisées dans le monde de l’informatique, de l’université, des affaires et de l’activisme. Le logiciel est l’une des manifestations les plus évidentes de l’intelligence collective. C’est un langage ouvert en soi qui se développe en collaboration et en facilitation.

Deuxièmement, il s’agit d’une nouvelle ressource médiatique. Ce qui permet l’accès à des informations créées collectivement comme alternative au pouvoir médiatique traditionnel. Un cas clair est celui des chaînes Telegram en tant qu’outil de diffusion et de participation dans les zones de protestation, des contributions individuelles qui génèrent un récit collaboratif.

L’Open Innovation et l’économie du partage

Sous l’égide de l’intelligence collective, l’Open Innovation propose un changement de philosophie d’entreprise qui favorise les synergies et l’innovation. Dans le monde des affaires, l’intelligence collective est liée à des termes à la mode tels que l’open innovation et l’économie du partage.

L’Open Innovation abandonne le prototype industriel, vertical et rigide de l’entreprise et adopte un système de facilitation. Elle génère des connaissances ouvertes, informelles et expérimentales et favorise une attitude d’innovation et d’audace.

L’économie du partage utilise l’intelligence collective comme une infrastructure pour les initiatives entrepreneuriales qui génèrent un impact social positif.

Avec l’open innovation, l’entreprise reconnaît « qu’elle ne peut pas tout atteindre » et s’ouvre à la collaboration avec les clients, les concurrents et le reste de la société pour le bénéfice de tous. Il y a des entreprises qui, une fois la journée de travail terminée, donnent leurs espaces à des entités sociales ou à des start-ups pour toutes sortes d’initiatives. Ce qui attire ainsi les talents et génère un impact communicatif qu’aucune campagne de marketing ne peut atteindre.

Avantages de l’intelligence collective pour les organisations

Histoires de réussite

De nos jours, il est essentiel pour les organisations de développer l’intelligence collective et la capacité d’apprentissage afin d’obtenir des équipes de travail plus efficaces. Aujourd’hui, au milieu des barrages technologiques, les entreprises ont été contraintes de repenser leurs propositions de valeur. Dans cette optique, l’intelligence collective est une ressource clé qui permet de trouver des solutions plus innovantes. Et cela grâce à la construction d’une culture d’entreprise forte, à la création d’espaces de collaboration, à la génération de liens émotionnels et à la valorisation de la diversité au sein des équipes,

En termes simples, l’intelligence collective s’explique comme la dynamique au sein d’une organisation où les membres de l’équipe apportent des connaissances et des opinions qui nourrissent tous les processus de travail. Et où chaque personne délivre une facilitation à l’équipe qui lui permet de devenir un groupe autogéré capable de s’adapter à court terme à des environnements changeants.

Par conséquent, en partant de ce point, il est important de garder à l’esprit que la somme des connaissances permet aux organisations d’innover, de mieux s’adapter à l’environnement réel et de croître plus rapidement.

Google n’est qu’un exemple de cette nouvelle culture de travail. Plus flexible et moins hiérarchisée, cela favorise un environnement invitant à la création de projets, où l’intelligence collective est la norme en matière de bonnes pratiques.

Comment l’intelligence collective est-elle développée dans l’organisation ?

Comme le détaille un article de RH info , si vous souhaitez développer l’intelligence collective dans votre organisation, il y a quelques facteurs à prendre en compte. Apprenez à les connaître :

Tout d’abord, vous devez essayer de créer un environnement dans lequel la communication agile est possible. En outre, les personnes qui vont partager leurs connaissances devraient avoir des positions et des professions différentes. En effet, cela permettra d’obtenir des idées plus diverses. Il est important que lors des échanges d’informations, toutes les personnes impliquées soient au même niveau et que les hiérarchies soient mises de côté.

À cet égard, vous devez être capable de faire comprendre aux dirigeants qu’ils n’ont pas toujours toutes les réponses. Pour favoriser le développement de l’intelligence collective, vous devez encourager et récompenser toutes les attitudes liées à la coopération et à la collaboration entre les secteurs, les départements et les employés.

De cette façon, vous pouvez concevoir un plan mensuel pour l’échange d’idées par le biais de réunions qui peuvent être informelles et même avoir une touche ludique. Ce qui rendra les participants plus motivés. Lors de ces réunions, vous pouvez choisir de procéder à un examen de l’état d’avancement du travail développé par chaque employé. De cette façon, chacun peut apprendre du travail de l’autre.

Ensuite, les idées peuvent être mises en commun. En fait, il peut être intéressant d’axer chaque réunion sur un sujet ou une question spécifique qui concerne l’entreprise. La première priorité lorsque vous souhaitez mettre en œuvre cette dynamique est de créer une atmosphère accueillante dans laquelle chacun se sent à l’aise pour participer. C’est le seul moyen de créer une culture d’apprentissage qui sera la base de l’intelligence collective.

Il est également judicieux d’encourager l’intrapreneuriat, c’est-à-dire d’inciter les employés à développer leurs propres projets au sein de l’entreprise. En ce sens, il peut être judicieux de s’intéresser aux start-ups, voire de les utiliser pour recruter des personnes proactives et talentueuses.

Stratégie interne et avantages pour les organisations

La somme des intelligences individuelles favorise le travail horizontal et multidisciplinaire par rapport aux structures hiérarchiques rigides. Dans cette logique, les équipes sont plus susceptibles d’accroître leur motivation, leur créativité, leur dynamisme et leur adaptation aux défis. Cela produit des synergies et des expériences d’apprentissage mutuel très enrichissantes. Par exemple, les responsables de la communication comprennent ce que font les développeurs, et vice versa. Ce qui permet de faire avancer les tâches de manière plus fluide et intégrée.

Pour réaliser cela dans la stratégie de l’ organisation , il s’agit d’un travail constant, qui doit promouvoir une culture de participation, de collaboration, de facilitation et de responsabilité, où la mise en œuvre de méthodologies agiles est très utile pour l’efficacité. Voici donc ce dont une équipe a besoin pour favoriser l’intelligence collective :

Humilité : il faut comprendre que pour mener à bien des projets de grande envergure, il faut de nombreuses mains.

Le leadership organisationnel : il est créé dans la flexibilité offerte par des structures moins hiérarchiques, concevant la diversité comme une valeur.

Confiance et responsabilité : chaque membre de l’équipe est un représentant du travail effectué par l’organisation.

Pour conclure, il est important de savoir que l’intelligence collective n’est pas une invention de l’internet. Ses premières manifestations ont eu lieu avant même l’apparition du langage, l’expression la plus étonnante de l’élaboration collective à grande échelle. La culture, la connaissance et les systèmes d’organisation politique à travers les âges ont émergé de cette complicité. Et cette construction sociale a fini par s’exprimer sous la forme d’une intelligence sociale qui prend souvent la forme du « bon sens ».