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Le Futur Désiré : viser avant de planifier

Vous avez un plan stratégique. Des objectifs à 3 ans. Des KPIs. Une roadmap.

Sur le papier, tout est carré.

Dans la réalité, personne n’y croit. Les équipes exécutent — mollement. Les managers relaient — sans conviction. Le plan existe. Il ne vit pas.

Pourquoi ?

Parce que vous avez planifié avant de viser.


Le problème : des plans sans désir

La plupart des entreprises font leur stratégie à l’envers.

Elles commencent par analyser. SWOT, benchmark, étude de marché. Elles accumulent des données, des chiffres, des tendances.

Puis elles fixent des objectifs. Chiffre d’affaires +15%. Part de marché +3 points. NPS à 45. Des métriques. Des cibles. Des nombres.

Enfin elles planifient. Actions, jalons, responsables, délais. Un beau Gantt. Des tableaux de bord. Du pilotage.

Tout ça est très professionnel. Très rigoureux. Très rassurant.

Et totalement insuffisant.

Parce qu’il manque l’essentiel : le désir.

Personne ne se lève le matin pour augmenter un pourcentage. Personne ne se dépasse pour améliorer un KPI. Personne ne s’engage pour respecter un Gantt.

Les gens s’engagent pour quelque chose qu’ils désirent. Un futur qu’ils ont envie de créer. Un état qu’ils trouvent désirable — pour eux, pour leurs clients, pour le monde.

Sans ce désir, votre plan est une coquille vide. Il dit quoi faire. Il ne dit pas pourquoi ça vaut la peine.


Ce qu’est le Futur Désiré

Le Futur Désiré est une approche différente.

Au lieu de commencer par l’analyse et les objectifs, on commence par une question : Qu’est-ce qu’on veut vraiment créer ?

Pas « qu’est-ce qu’on doit faire ». Pas « qu’est-ce qui est réaliste ». Pas « qu’est-ce que le marché attend ».

Qu’est-ce qu’on désire ?

La nuance est fondamentale.

Un objectif, on l’atteint ou on le rate. C’est binaire. C’est extérieur. C’est souvent imposé.

Un futur désiré, on le poursuit. C’est une direction. C’est intérieur. C’est choisi.

L’objectif génère de la conformité. Le futur désiré génère de l’engagement.

Une vision, pas une cible

Le Futur Désiré n’est pas un objectif reformulé en joli.

« Devenir leader du marché » n’est pas un futur désiré. C’est une ambition abstraite. Personne ne sait ce que ça veut dire concrètement. Personne ne le désire vraiment — c’est juste ce qu’on est censé vouloir.

Un vrai Futur Désiré répond à d’autres questions :

  • Si on réussit vraiment, qu’est-ce qui aura changé ? Pour qui ?
  • À quoi ressemblera le quotidien de nos clients ? De nos équipes ?
  • Qu’est-ce qui nous rendra fiers dans 3 ans ?
  • Qu’est-ce qui fera qu’on se dira « ça valait le coup » ?

Ces questions ouvrent un espace de projection. Elles permettent de visualiser un état futur concret, tangible, désirable.

Co-construit, pas imposé

Un Futur Désiré ne se décrète pas en comité de direction.

Si le DG arrive avec sa vision toute faite et demande aux équipes « d’adhérer », ce n’est pas un Futur Désiré. C’est un objectif déguisé.

Le Futur Désiré se co-construit. Avec ceux qui vont le poursuivre. Avec ceux dont l’engagement est indispensable.

Ça ne veut pas dire que tout le monde vote. Ça ne veut pas dire que le dirigeant n’a pas de vision. Ça veut dire qu’il y a un espace où chacun peut exprimer ce qu’il désire — et où ces désirs individuels se tissent en un désir collectif.

Un Futur Désiré co-construit n’a pas besoin d’être « vendu ». Il appartient déjà à ceux qui vont le porter.


Pourquoi ça change tout

L’engagement devient naturel

Quand les gens ont participé à construire le futur qu’ils poursuivent, ils n’ont pas besoin qu’on les motive. La motivation est intrinsèque. Elle vient de l’intérieur.

Fini les cascades de communication pour « embarquer » les équipes. Fini les séminaires de « mobilisation » où on répète le plan en espérant que ça prenne. Fini les managers transformés en VRP de la stratégie.

Les gens s’engagent parce que c’est leur futur. Pas celui qu’on leur a assigné.

Les obstacles deviennent surmontables

Quand on désire vraiment quelque chose, on trouve des moyens. On contourne les obstacles. On persévère face aux difficultés.

Quand on subit un objectif, le moindre obstacle devient une excuse. « C’est impossible avec nos moyens. » « Le contexte a changé. » « On n’a pas les ressources. »

Le Futur Désiré génère de la créativité et de la résilience. L’objectif imposé génère de la conformité et des excuses.

L’alignement devient réel

Combien de plans stratégiques affichent un alignement de façade ?

Tout le monde acquiesce en réunion. Et chacun retourne à ses priorités dès qu’il sort de la salle. Les silos persistent. Les guerres de territoire continuent. Le plan est une fiction partagée.

Un Futur Désiré co-construit crée un alignement réel. Parce que chacun y a mis quelque chose de lui. Parce que les désaccords ont été exprimés et travaillés. Parce que ce qui émerge intègre les perspectives de tous.

Cet alignement ne se mesure pas en réunion. Il se mesure dans les arbitrages quotidiens, quand personne ne regarde.

La planification devient utile

Paradoxalement, le Futur Désiré ne supprime pas la planification. Il la rend utile.

Une fois qu’on sait où on veut aller — vraiment — on peut planifier intelligemment. Le plan devient un chemin vers quelque chose de désirable, pas une liste de contraintes à respecter.

Et quand le plan doit changer — parce que la réalité est toujours différente de ce qu’on avait prévu — le Futur Désiré reste la boussole. On ajuste le chemin sans perdre le cap.


Comment construire un Futur Désiré

Le Futur Désiré ne s’improvise pas. Il se facilite.

Étape 1 : Créer l’espace

La première condition, c’est un espace protégé. Hors du quotidien. Hors des urgences. Hors des jeux de pouvoir habituels.

Un espace où les gens peuvent lever la tête. Penser à long terme. Exprimer ce qu’ils désirent vraiment — pas ce qu’ils pensent qu’on attend d’eux.

Cet espace peut être un séminaire d’une journée. Ou plusieurs ateliers répartis sur quelques semaines. Le format dépend du contexte. L’essentiel est la qualité de l’espace : sécurisé, ouvert, sincère.

Étape 2 : Explorer les désirs individuels

Avant de construire un désir collectif, il faut entendre les désirs individuels.

Qu’est-ce que chacun désire pour l’entreprise ? Pour son équipe ? Pour lui-même dans cette aventure ?

Ces questions se posent individuellement d’abord. Par écrit. Sans regard des autres. Pour que chacun puisse exprimer ce qui compte vraiment — pas ce qui est socialement acceptable.

Étape 3 : Faire émerger les convergences

Les désirs individuels sont ensuite partagés. En petits groupes d’abord, puis en plénière.

Ce qui émerge, ce sont des thèmes. Des convergences. Des points de tension aussi — et c’est sain.

Le facilitateur aide le groupe à voir ce qui relie les désirs individuels. À formuler des directions communes. À nommer ce qui est partagé.

Étape 4 : Formuler le Futur Désiré

À partir des convergences, le groupe formule son Futur Désiré.

Pas un slogan. Pas une mission statement corporate. Une description concrète de l’état qu’on veut créer.

Cette formulation est exigeante. Elle demande de la précision. Elle demande de trancher — on ne peut pas tout désirer en même temps. Elle demande du courage — assumer ce qu’on veut vraiment.

Le résultat est souvent une page. Parfois moins. Rarement plus. Ce qui compte, ce n’est pas la longueur — c’est la clarté et la force d’attraction.

Étape 5 : Tester la résonance

Un Futur Désiré qui ne fait vibrer personne n’est pas un Futur Désiré. C’est un exercice intellectuel.

Le test est simple : quand on le lit, est-ce que ça donne envie ? Est-ce que les gens se disent « oui, ça vaut le coup » ? Est-ce que ça génère de l’énergie ?

Si la réponse est non, on retravaille. On cherche ce qui manque. On ajuste jusqu’à ce que la résonance soit là.


Ce que le Futur Désiré n’est pas

Pour éviter les malentendus, précisons ce que le Futur Désiré n’est pas.

Ce n’est pas du rêve naïf

Le Futur Désiré n’ignore pas les contraintes. Il ne prétend pas que tout est possible si on y croit très fort.

C’est l’inverse : parce qu’on a clarifié ce qu’on désire vraiment, on peut regarder les contraintes en face. On sait pourquoi on va se battre. On peut décider quelles contraintes accepter, lesquelles contourner, lesquelles faire sauter.

Le désir sans lucidité est une illusion. La lucidité sans désir est une impasse. Le Futur Désiré tient les deux ensemble.

Ce n’est pas l’absence de stratégie

Le Futur Désiré ne remplace pas la stratégie. Il la fonde.

Une fois le Futur Désiré clarifié, tout le travail stratégique reste à faire : analyser l’environnement, identifier les leviers, choisir les batailles, allouer les ressources, planifier les actions.

Mais ce travail a maintenant une direction. Il est au service de quelque chose. Il n’est plus une mécanique froide — il est un chemin vers un futur désirable.

Ce n’est pas un exercice ponctuel

Le Futur Désiré n’est pas un livrable qu’on produit en séminaire et qu’on range dans un tiroir.

C’est une boussole vivante. On y revient régulièrement. On le confronte à la réalité. On le fait évoluer si nécessaire.

Un Futur Désiré qui ne vit pas dans les conversations quotidiennes, dans les arbitrages, dans les décisions — n’est pas vraiment un Futur Désiré. C’est un document de plus.


Viser avant de planifier

La plupart des entreprises planifient d’abord, espèrent ensuite.

Elles construisent des plans détaillés, puis cherchent à mobiliser les gens autour de ces plans. Ça ne marche pas. Ça n’a jamais marché.

L’approche du Futur Désiré inverse la séquence.

D’abord, on vise. On clarifie ce qu’on désire vraiment. On construit une vision qui fait vibrer.

Ensuite, on planifie. On définit le chemin pour y arriver. On organise les moyens.

Viser avant de planifier. C’est contre-intuitif pour des esprits formés à la rigueur et au contrôle. C’est pourtant la seule façon de créer de l’engagement réel.

Parce que les gens ne s’engagent pas pour des plans. Ils s’engagent pour des futurs qu’ils désirent.


Et maintenant ?

Votre organisation a peut-être un plan stratégique. Des objectifs. Des roadmaps.

Posez-vous cette question : est-ce que les gens désirent vraiment ce futur ? Ou est-ce qu’ils exécutent un plan qu’ils n’ont pas choisi ?

Si la réponse est la seconde, aucun outil de pilotage, aucune communication interne, aucun séminaire de mobilisation ne changera rien.

Ce qu’il faut, c’est revenir à l’essentiel. Clarifier ce que vous désirez vraiment — ensemble. Construire un Futur Désiré qui appartient à ceux qui vont le porter.

C’est un travail exigeant. Il demande du temps, de la facilitation, du courage. Mais c’est le seul chemin vers un engagement authentique.