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Et si votre problème… n’était pas le vrai problème ?

Il y a des phrases qu’on entend chaque semaine dans les organisations.

“On a un problème de turnover.”
“Le problème, c’est la com’ interne.”
“On n’avance pas à cause d’un problème de priorisation.”
“Le problème vient du terrain. Ils ne sont pas engagés.”

Et si je vous disais que tout cela n’était qu’un mirage ?
Qu’en réalité, ce que vous appelez “problème” est en fait la conséquence visible d’un dysfonctionnement plus profond ?

On croit regarder le problème.
Mais on regarde le symptôme.
Et tant qu’on ne descend pas en dessous, on soigne un rhume en coupant le thermomètre.


Les organisations adorent se tromper de problème

C’est presque un réflexe.
On voit un effet. On veut le corriger.
On voit un chiffre rouge. On veut le remettre en vert.
On voit un conflit. On veut l’éteindre.

C’est logique. Mais c’est une logique de surface.

Vous avez une fuite d’eau dans votre plafond.
Vous appelez un peintre.
Il refait la peinture.
La tâche revient.
Vous appelez un autre peintre.
Et ainsi de suite.

Personne ne pense à regarder le toit.

C’est exactement ce qui se passe dans les entreprises.
On “répare” les irritants visibles, au lieu de comprendre ce qui les rend possibles.


Cas concret (mais pas le tuyau) : le “problème” des réunions inefficaces

Une entreprise m’appelle :

“On perd un temps fou en réunion. On voudrait apprendre à les rendre plus efficaces.”

Très bien.

Mais au lieu de former les équipes à la gestion du temps ou aux meilleures pratiques de réunion, on va faire un pas de côté.

Et là, on découvre :

  • Une absence totale de clarté stratégique
  • Des managers qui ne prennent pas de décisions
  • Un besoin inconscient d’être ensemble pour exister
  • Une hiérarchie floue, des responsabilités mal réparties
  • Des espaces informels supprimés (pause café, déj’)

Conclusion ?
Les réunions “inefficaces” sont une conséquence, pas une cause.
Elles sont même parfois un symptôme sain d’un mal plus profond : une équipe désalignée qui cherche à combler un vide.


Les organisations soignent des échardes sans voir la poutre

Et ce n’est pas un jugement. C’est un constat.
Car reconnaître une cause, c’est aussi admettre qu’on a laissé s’installer un système qui la rend possible.

Alors on préfère s’en tenir au visible :

  • L’outil qui bug
  • Le collaborateur qui râle
  • Le manager qui ne manage pas
  • Le chiffre qui dévisse

Mais ce qu’on ne voit pas :

  • C’est que l’outil a été mal choisi car personne n’a challengé le besoin
  • Que le collaborateur râle car il n’a jamais été écouté
  • Que le manager a peur car il ne comprend pas son rôle
  • Que le chiffre dévisse car la stratégie est absente

Vous voyez le tableau ?


Le piège : la recherche de solutions immédiates

Dans un monde qui va vite, l’entreprise veut aller vite.
Donc elle cherche des solutions rapides à des problèmes complexes.

On manque de cohésion ?
→ Faites un team building.

Il y a trop d’absentéisme ?
→ Lancez une enquête QVT.

Les gens ne prennent pas d’initiative ?
→ Formez-les à l’agilité.

Ces solutions ne sont pas mauvaises.
Mais elles deviennent absurdes quand elles sont collées à côté du vrai sujet.

C’est comme si on voulait réparer un moteur en changeant la couleur de la carrosserie.


Identifier la cause racine : une compétence stratégique

Un bon leader ne saute pas sur le “problème”.
Il s’arrête. Il observe. Il questionne.

Il cherche la cause racine.
Pas celle qu’on croit.
Celle qui se cache. Celle dont personne ne parle. Celle qui gêne. Celle qui, parfois, met en cause l’organisation elle-même.

Et c’est là que la facilitation prend tout son sens.


La facilitation : creuser sous le visible, mettre à jour l’invisible

Un facilitateur ne résout pas les problèmes à votre place.
Il crée les conditions pour que vous puissiez voir ce qui est là… mais que vous ne regardiez pas.

Il pose des questions qui grattent.
Il ouvre des espaces de parole différents.
Il met en lien ce qui semble n’avoir aucun lien.
Il vous aide à voir le système plutôt que l’événement.

Et souvent, ce qui émerge, ce n’est pas un “problème”.
C’est une configuration, une culture implicite, une posture collective… qui fabrique les symptômes.


Les “problèmes” sont des signaux

Ce qu’on appelle “problème” est souvent une invitation.

Une invitation à :

  • Regarder autrement
  • Reposer le cadre
  • Réinterroger le système
  • Se reconnecter au réel

C’est une alarme.
Pas un bug.
Une information précieuse.
Pas un truc à gommer à coup de solutions prêtes-à-l’emploi.


Pourquoi on ne traite pas la cause ? Parce que ça remet trop en question

Aller voir la cause profonde, c’est sortir de sa zone de confort.
Parce que ça oblige à :

  • Dire qu’on s’est peut-être trompé
  • Admettre qu’on n’a pas vu venir
  • Mettre en lumière des jeux de pouvoir
  • Revoir la gouvernance
  • Oser changer le cadre

Et ça, dans beaucoup d’organisations, c’est tabou.

Alors on préfère s’attaquer aux effets.
Encore et encore.
En espérant que ça tienne.

Mais ce qui tient mal, finit par lâcher.


Comment réapprendre à interroger les problèmes autrement

Voici quelques principes simples pour changer de posture face aux “problèmes” :

1. Ne pas répondre trop vite

Quand un problème émerge, résistez à la tentation de la solution immédiate.
Prenez un temps d’observation, de recueil de signaux faibles.

2. Interroger le cadre, pas juste le contenu

La question n’est pas seulement “qu’est-ce qui se passe ?”
Mais aussi : “qu’est-ce qui rend cela possible ?”

3. Cartographier le système

Quelles sont les relations en jeu ? Les postures ? Les logiques implicites ?
Qui est impacté ? Qui tire bénéfice du statu quo ?

4. Accepter l’inconfort

Trouver une cause, ce n’est pas agréable.
Mais c’est fécond.

5. Travailler avec un facilitateur

Parce qu’on ne voit jamais clairement ce dont on fait partie.
Un regard extérieur structuré change tout.


Exemple : « On a un problème de motivation »

Formulation classique.

Mais quand on creuse :

  • Les objectifs changent tous les 3 mois
  • La vision est floue
  • Le management est absent
  • La charge est délirante
  • Les rituels sont inexistants

Donc : le problème n’est pas la motivation.
La motivation est la conséquence logique d’un environnement désorganisé.

Et vous ne “boosterez” pas la motivation par un atelier rigolo ou une prime.


Tant qu’on ne touche pas la cause, les problèmes reviennent… en pire

C’est mathématique.
Si vous ne touchez pas à la source, le système vous rejouera la même scène.
Avec d’autres visages. D’autres mots. Mais la même musique.

Et à force, cela crée du cynisme, de la lassitude, de la désengagement.

“On a déjà essayé.”
“Ça ne changera rien.”
“On fait semblant.”
“Ils font un atelier pour se donner bonne conscience.”

Et là, il est presque trop tard.
Car vous avez non seulement laissé le système dysfonctionner, mais vous avez perdu la confiance.


Décaler le regard : une urgence managériale

Arrêtez de poser la question :
“Quel est notre problème ?”
Et commencez à poser celle-ci :
“Qu’est-ce qui, dans notre système, génère ce problème ?”

La nuance est immense.
Elle transforme une posture défensive en posture apprenante.
Elle fait passer de la réparation au réalignement.


10 signes que vous traitez les symptômes au lieu des causes

  1. Les mêmes problèmes reviennent tous les trimestres
  2. Vous changez d’outil, mais les irritants persistent
  3. Vous formez les équipes sans toucher à la gouvernance
  4. Vous organisez des séminaires sans remettre en cause les postures
  5. Vous changez les personnes au lieu de changer le cadre
  6. Vous valorisez la rapidité des solutions plus que leur pertinence
  7. Vous parlez plus des effets que des origines
  8. Vos managers ne prennent pas le temps de questionner
  9. Vous externalisez ce qui mériterait un travail interne
  10. Vous communiquez au lieu de dialoguer

En résumé : ne traitez plus vos problèmes comme des erreurs à effacer

Vos problèmes sont des révélateurs.
Des portes d’entrée. Des opportunités. Des leviers de transformation.

Mais pour cela, il faut changer de posture :
Passer de la réaction à l’enquête.
De la solution rapide à la compréhension structurelle.
Du patch au mouvement collectif.

Et surtout : ne plus confondre le symptôme avec sa cause.


Vous avez un “problème” dans votre organisation ?

Parfait.
C’est une opportunité.

À condition d’oser en faire le début d’un vrai travail de fond.
Pas un sparadrap.

C’est là que la facilitation prend tout son sens.
Elle ne vient pas éteindre le feu.
Elle vous aide à comprendre pourquoi il prend.

Et à transformer le système, plutôt que de l’endurcir.